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Pour poser les bases des futures communications de ce blog, j’ai choisi de faire un court article sur la question du cadre thérapeutique, dans le sens de l’organisation mise en place autour de cette idée du jeu vidéo en thérapie.
D’autres aspects du cadre thérapeutique seront abordés directement ou sous-entendus régulièrement au travers des articles qui vont alimenter ce blog.
1. Organisation matérielle
Le cabinet est organisé en « espaces thérapeutiques » distincts ayant une fonction : l’espace verbalisation avec les fauteuils en face à face, l’espace jeux de constructions / simulation, l’espace dessin / jeux logique et cartes, et l’espace jeu vidéo.
Bien entendu, le patient investit comme il veut l’espace thérapeutique, cette organisation fonctionnelle a d’abord un but descriptif pour se rendre compte de la place qu’occupe matériellement le jeu vidéo au milieu du matériel habituel.
C’est ce dernier qui nous occupe ici : il s’agit d’une pièce ouverte à l’intérieur du cabinet, assez isolée pour être à part et assez « fermée » pour être contenante.
Cet espace suscite une curiosité bien particulière car en entrant on peut apercevoir du coin de l’oeil sur la droite un bureau sur lequel est posé un écran avec une enceinte de chaque côté, 2 manettes de jeu et 2 grands fauteuils devant.
Ce qui est renvoyé par l’interrogation du patient et/ou du parent c’est le caractère incongru de ce matériel dans un cabinet de psychologie.
Entre le début de ma pratique avec les jeux vidéo et l’apparition de cette « gaming room » il s’est écoulé 2 ans et demi, laps de temps pendant lequel les patients et parents de patients commençaient à avoir l’habitude que la thématique « jeux vidéo » soit abordée au sein de ce cabinet.
Cependant, un vrai tournant a été pris lorsque cette pièce est apparue : pour certains cela a été perçu comme une preuve de légitimité car c’était devenu concret, réel, « donc sérieux ». Cette réalité vient marquer indiscutablement de la question des jeux vidéo dans ce cabinet, peut-être aussi comme une marque de personnalité du thérapeute qui assume une position encore perçue comme discutable dans la société française en 2015.
Bien évidemment, cette pièce m’a probablement aidé également à affirmer ma légitimité à inviter les jeux vidéo dans ce contexte thérapeutique, ce qui en a fait un ensemble cohérent.
Pour éclairer davantage mon propos, voici ce que dit Philippe Gutton (2013) dans le livre « l’ado et son psy, nouvelles approches thérapeutiques en psychanalyse » auquel il a contribué :
« Hors d’un accordage suffisamment bon entre infantile et pubertaire (une organisation névrotique stable existe-t-elle à la puberté ?), il faut inventer une pratique spécifique, interroger notre théorie de la technique. Il ne faut pas renoncer en affirmant que la psychanalyse ne concerne pas l’adolescent comme un récent congrès le suggère avec pugnacité par un titre (« la clinique de l’adolescent existe-t-elle ?…. en clinique et en théorie, journée scientifique du 7/02/09 à Paris« ) revenant cinquante ans en arrière. Nous défendons, après Pierre Mâle, l’idée qu’il ne faut pas hésiter à remettre en cause les dispositifs de la cure afin de travailler le virage épistémologique que l’adolescent impose, lorsqu’il se refuse à être connu (D.W. Winnicott) et souhaite d’abord (et parfois seulement) dans sa désolation à être « reconnu ».
Cahn, R. ; Gutton, P. ; Robert, P. ; Tisseron, S. ( 2013). L’ado et son psy, nouvelles approches thérapeutiques en psychanalyse, Ed In Press
2. Organisation thérapeutique.
Le jeu vidéo est présent dans l’espace thérapeutique au même titre que les autres médiateurs présents dans le cabinet. J’ai pour habitude de toujours commencer les séances par un échange verbal en face à face, même s’il ne dure que 5 minutes, pour se (re)trouver à chaque fois par le regard et par les mots, (re)prendre ses marques dans le cadre thérapeutique en venant de l’extérieur tumultueux et avant de plonger dans l’intensité de la thérapie.
Ce temps d’échange, qui n’est pas que verbal nous l’aurons bien compris, conditionne fortement le choix du jeu vidéo ; je demande au tout début de séance ce qu’il souhaitera faire et en fonction de cet échange préliminaire, de son intensité et de la particularité du thème abordé, il arrive parfois que le choix du jeu vidéo ne soit plus le même. Le patient va alors choisir le médiateur le plus adapté au message qu’il veut faire passer au thérapeute pendant cette séance, et se l’approprier d’une manière bien particulière par rapport à d’habitude, ce à quoi nous serons d’autant plus attentif.
Une fois que tout ceci est établi, nous nous déplaçons ensemble vers l’ordinateur où nous prenons place tous les 2, l’un à côté de l’autre.
Le temps que le jeu se charge est un temps de discussion intéressant, davantage centré sur le domaine du jeu, ce qu’il compte faire pendant cette session et voir ensuite s’il a suivi son désir, ce qui l’en a empêché, ce qu’il en a dit, comment il l’a vécu et ce qu’il est devenu en fin de session.